J'étais mort

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Je me réveillai en sursaut en plein milieu de la nuit. Trempé de sueur, le cœur battant avec force, j'avais un étrange élancement dans chaque fibre de mon corps. Mon premier réflexe fut de vérifier mon ventre : je n'étais pas blessé. J'avais fait un cauchemar. Le plus horrible de toute ma vie, sans aucun doute. Si devenir un Choisi ressemblait à ça, je renonçais sur-le-champ ! Les draps étaient moites tant j'avais transpiré dans mon sommeil. Je me laissai retomber en arrière. La douleur s'atténua petit à petit, j'avais dû me crisper de tous mes muscles, convaincu de la réalité de mon sort. Il me serait à présent, j'en étais persuadé, impossible de me rendormir. Quel rêve horrible, me dis-je en m'extirpant du lit.

Malgré mon état de conscience avancé, ma vision était trouble et je me frottai les yeux un instant tout en progressant, nu, vers la pièce principale. Je savais qu'Émilie ne se reposait jamais ou presque, aussi m'attendis-je à l'y trouver. Personne. Tendant l'oreille, j'essayai de la repérer. Un faible goutte-à-goutte dans la salle de bain, atténué par la porte fermée ; un oiseau, ou un petit animal, gambadait sur la toiture ; un souffle léger balançait les branches du sapin de l'autre côté de la rue ; et dans le chalet d'en face, on tira la chasse d'eau. J'entendais à la perfection ! C'était une drôle de sensation, ma vue était trouble, mais je percevais des sons à une cinquantaine de mètres malgré les murs. Amusé, je tentai de me concentrer et cherchai à savoir jusqu'où portait mon ouïe, lorsque la douleur de mon réveil refit surface. Comme un millier de lames, parfaitement synchronisées, qui s'enfonçaient dans mes chairs en même temps. Je retins un cri et m'agrippai à la table pour ne pas chuter. Une étrange sensation se développa dans mon crâne. En plus de ce mystérieux mal qui m'ôtait toute force, un bourdonnement sourd, couplé à un picotement à l'arrière de la tête, m'assaillit. Quelques secondes plus tard, la porte d'entrée s'ouvrit sur Émilie. Elle souriait. Je souffrais. Je m'effondrai sur la table.

Je repris conscience allongé sur le canapé, un pantalon de jogging pour seul vêtement. La douleur était là. Faible, mais présente. Et le bourdonnement aussi. Mes yeux étaient de nouveau opérationnels, mais je ne voyais pas Émilie.

— Tu n'aurais pas dû te lever, fit-elle dans mon angle mort. Économise tes forces, tu vas en avoir besoin.

— Pourquoi ?

— Les premières soixante-douze heures sont les plus difficiles.

— Tu veux dire...

Je me redressai ! Je la cherchai du regard, oubliant un instant mes brûlures internes. Elle était debout près de la fenêtre et se tourna vers moi. Elle souriait. Malgré la pénombre et la distance, je découvris une petite ride au coin de son œil. Pourquoi avais-je focalisé sur ce point précis de son visage, je ne le saurais jamais. Elle acquiesça sans un mot et je me rallongeai, épuisé et nauséeux.

Je n'avais pas rêvé. Cette souffrance insoutenable et ma mort... j'étais mort !

J'étais donc un Vampire. Un Choisi, plutôt. Émilie allait pouvoir répondre au millier de questions auxquelles elle avait jusqu'à présent opposé un silence frustrant. Les secrets des immortels ne devaient être partagés qu'entre eux, avait-elle répliqué chaque fois. Entre nous, maintenant.

— Tu fais le guet ? tentai-je avec un sourire qu'elle ne put voir.

— Les chasseurs sont toujours là, répondit-elle froidement. Ils finiront bien par comprendre que nous sommes ici et qu'il y a un novice parmi nous.

— Une cible facile, ajoutai-je avant d'être victime d'un nouveau spasme.

Les lames dans mon corps se remirent en mouvement et je poussai un cri avant de me perdre dans les limbes de l'inconscience.

Choisi (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant