Grogu.

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Durant les heures qui suivirent son arrivée dans le vaisseau du mandalorien, la rescapée ne fit qu'émerger sporadiquement du sommeil pour ne capter que quelques images autour d'elle ; parfois seule, parfois accompagnée du bébé qui gazouillait près d'elle, parfois éveillée par son sauveur venu la pousser à boire ou se nourrir. Ces instants demeuraient flous à ses yeux, les images vagues, les sons lointains, comme si elle avait été à des années lumières d'eux ; la fatigue se montrait coriace, emprisonnant sans esprit dans une torpeur qui s'éternisait, sans qu'elle ne parvienne à se raccrocher à la réalité.

Alors elle rêva. Elle rêva de soleil, de plages vierges, d'eau turquoise, d'une chaleur aussi étouffante que rassurante ; ces visions paraissaient plus distinctes, plus réelles même que la réalité que son esprit peinait à retrouver. Les rires d'enfants lui parvenaient clairs, tandis que les gazouillements de l'étrange bébé l'atteignaient à peine ; la voix grave du mandalorien s'étouffait, les bruissements dans les arbres l'entouraient et la berçaient.

Loin de la planète glaciale, loin de son corps devenu épave, elle riait, dansait, s'envolait... Le froid, la faim, la souffrance n'existaient plus.
Elle aurait voulu se perdre dans ces rêves ; s'y perdre, pour ne plus avoir à revenir, ne plus souffrir.

Mais...

« Papu ? »

Il lui fallut s'éveiller.

Le son des vagues contre le sable blanc s'étouffa, les rayons du soleil contre les branches des arbres firent de nouveau place à l'obscurité ; contre sa peau, la sensation de l'eau remuant son corps fit bientôt place aux tapotements de deux minuscules pattes munies de trois doigts.
La belle endormie souleva ses lourdes paupières pour apercevoir les deux longues oreilles pointues du bébé, qui lui avait si souvent rendu visite pendant son sommeil ; si elle avait été complètement amorphe jusqu'ici, elle trouva en cet instant la force de sourire en le voyant.

« ...Bébé... »

Son corps entier lui parut engourdi ; mais, comme son esprit émergeait enfin, elle trouva subitement la position dans laquelle elle était restée immobile des jours durant absolument insupportable. Alors elle bougea les bras, doucement d'abord, puis tenta de forcer dessus pour se redresser un peu. Tous ses os grincèrent, craquèrent, ses muscles se dénouèrent, son corps retrouva un peu de sa mobilité. La voyant s'animer, le petit être vert gazouilla davantage en posant les deux mains sur ses genoux ; comprenant un message universel parmi les bébés, malgré les différences d'espèce et d'origine, la jeune femme tendit les mains pour attirer l'enfant sur ses genoux.
Malgré ses muscles encore engourdis, elle put le soulever sans aucune difficulté, tant il était léger ; ravi de se retrouver sur ses genoux, l'enfant babilla davantage en examinant les vêtements de la demoiselle, jusqu'alors dissimulés par la peau de bête. Amusée, la rescapée se mit à lui parler en le berçant :

« Eh bien, qu'est-ce que tu es curieux, toi... Tu aimes ma robe ? Moi aussi, je l'aime beaucoup. »

Le bébé, appréciant les mouvements des jambes de la belle, émit de petits rires qui firent fondre ce qui restait de glace autour du coeur de la malheureuse. Riant avec lui, elle l'amusa un moment en le faisant ainsi doucement sauter sur ses genoux ; puis, fatiguée par l'effort, elle le souleva pour le prendre contre son sein, et, tout en caressant son adorable petit visage, demanda sans réellement espérer de réponse :

« Tu as un nom, adorable bébé ? »

« Grogu. »

L'organisation féminine secoua brusquement ; surpris, le bébé tourna la tête en émettant une petite exclamation interrogatrice en direction de la voix grave qui venait de l'appeler.

Le sang de la demoiselle ne fit qu'un tour ; le mandalorien dut certainement remarquer son teint subitement très pâle, car la voyant si fébrile, il se stoppa net.

Foi [Le Mandalorien]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant